II. Contraintes liées aux activités humaines

A- Les charges véhiculaires

Les ponts ne possèdent pas seulement des contraintes avec le climat ou bien la résonance comme nous avons pu le voir dans la première partie. Les différentes charges sont aussi un dilemme pour la construction d'un pont. Pour sa mise en service dans des conditions sécurisées, les ingénieurs ne doivent pas seulement s'appuyer sur les charges climatiques qui doivent être prises en compte mais aussi sur les charges que nous rencontrons dans la vie quotidienne comme les charges conventionnelles.

Les charges conventionnelles :
Ce sont les charges véhiculaires comme l'ensemble des voitures et des camions. Pour la sécurité et pour éviter l'effondrement du pont, un poids maximal doit être prévu pour que le pont puisse résister. Il est donc essentiel de limiter le passage des véhicules dont la masse est supérieure à la masse approximative adoptée. Il suffit seulement d'additionner le poids de toutes les voitures présentes sur le pont en prenant bien sur en compte les différentes conditions de circulation qui puissent exister comme les embouteillages où de nombreux véhicules seront regroupés sur le pont.
Ce poids maximal est essentiel pour calculer la force de tension que les haubans doivent exercer et la force de compression au niveau des piliers.

La répartition des forces :

1) Pour le pont à haubans :

→ Mais qu'est-ce qu'un hauban ?
Un hauban est un assemblage de câbles obliques en acier, attachés aux piliers du pont à une extrémité et au tablier à son autre extrémité. Il permet de soutenir celui-ci, de supporter la totalité du poids du pont et donc de répartir les forces, ce qui est un avantage considérable.


Pour ce type de ponts, les haubans jouent un rôle essentiel. Ils exercent une force que l'on appelle force de tension : 
la force de tension  est la force qui produit une tension à un corps souvent élastique comme ici les câbles, correspondant aux haubans. Les forces appliquées aux extrémités du hauban sont de même valeur, de même direction mais de sens opposés. Cette force tente donc d'étirer le matériau sur lequel elle agit dans la mesure où celui reste reste tendu. Elle est calculable grâce à deux vecteurs opposés :
 ||F|| = ||F’|| 
 

Enfin, la force de tension est la force supportée par le hauban sans, pourtant, qu'il ne casse et qui donc résiste.



Nous allons déterminer quelles sont les caractéristiques de cette force à l'aide de l'image suivante :


Sur un pont à haubans, les points d'application de cette force sont les extrémités des haubans attachés au tablier et au pilier. On appellera ici cette force de tension t2 qui a pour point d'application C au niveau du tablier et S au niveau du pilier c'est-à-dire au sommet ou à l'extrémité de ce câble. Cette force a pour direction la droite confondue avec le hauban.


 


Si l'on additionne toutes les tensions t c'est à dire les tensions qu'exerce chaque hauban, ce résultat amènera à une force que l'on peut noter T qui aura la même direction, la même valeur et le même point d'application que le poids P du pont mais leurs sens seront opposés (comme on peut le voir sur l'image ci-contre).



Au final, les haubans supportent la totalité du poids du pont. Répartir les forces de cette manière sur un pont à hauban lui permet d'acquérir une stabilité incroyable. Il peut supporter un poids de véhicules très important (bien qu'il y ait toujours une limite à ce poids) et permet donc à une vaste population de fréquenter quotidiennement cette structure aussi stable et d'offrir à ceux-ci un trafic routier en toute sécurité.


2) Pour le pont à poutres :


Le pont à poutres est un pont très facile à construire, voire le plus simple. Il est composé d'un tablier qui repose sur plusieurs poutres (en acier, en béton armé, etc.). 
La force est exercée verticalement par les poutres sur le tablier qui supportent tout le poids du pont. Elle est appelée force de compression.

Nous avons réalisé une expérience à ce sujet que vous pouvez visionner à la page "Expérience".



B- Une autre charge à usage militaire

En plus des charges climatiques et conventionnelles, il existe une autre charge qui peut s'avérer essentielle dans des contextes ambigus : les charges exceptionnelles.

Les charges exceptionnelles :
Ce sont des charges véhiculaires telles que les véhicules militaires autres que les véhicules courants.  Ceux-ci ont une masse plus élevée que celle des autres véhicules causée par le renforcement de leur structure par des éléments alourdissant rajoutés pour des mesures de sécurité. Étant formés différemment, ils sont donc classés dans cette autre catégorie de charge. Comme pour les autres charges, un poids maximal doit être calculé pour éviter la démolition du pont car les chars militaires ne peuvent pas circuler en même temps que les véhicules courants sur un pont. Ce poids maximal permet donc de réguler le passage de ces véhicules exceptionnels.


Cependant, il n'y a pas que ces chars militaires qui peuvent causer la destruction d'un pont. Il existe aussi le pas cadencé que nous allons donc étudier.

Le pas cadencé :
Le pas cadencé ordinaire est la marche adoptée par les soldats lors d'un défilé. Il est de l'ordre de 80cm et de 60 pas par minute.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce pas est source de phénomène de résonance pouvant éventuellement provoquer l'effondrement d'un pont. Il est donc essentiel aux ingénieurs de prendre en compte cette cause pour établir la construction du pont et pour sa sécurité.

En effet, le pont entre en résonance lorsque la fréquence propre du pont est égale à la fréquence du pas cadencé exercé par les soldats. Il risque donc d'être détruit dans ce cas-là.
Nous pouvons affirmer cette cause en la mettant en application dans un exemple précis :

Mise en application :
Si un groupe de soldat marche en cadence à une vitesse de 4 km.h
-1 et avec un pas cadencé ordinaire de 80 cm, la fréquence de ce pas est donnée par la relation :

l = v  / f               avec :
- l la longueur d’onde (en mètres)
- v la vitesse (en m.s
-1)
- f la fréquence (en Hertz)
 

Soit f = v / l
AN : f = (4x
103 / 3600) / 0,8 = 1,4 Hz

Nous pouvons donc en conclure que si ce groupe de soldats, marchant à une vitesse de 4km.h
-1 avec un pas cadencé ordinaire de 0, 8 m, s'engage sur un pont dont sa fréquence propre est de environ 1,4 Hz, alors ce pont rentrera en résonance et s’effondrera.
Il n'y a qu'une seule solution pour que ce phénomène ne se produise pas : les soldats doivent casser le pas.

Exemple de pont construit dans le passé :
Tout d'abord, prenons comme exemple un pont spécialement conçu pour résister à ce phénomène destructeur :


Le pont Bailey



 Le pont Bailey est un pont modulaire constitué de poutres latérales en acier et d'un platelage (comme un tablier) en bois. Le montage de ce pont est rapide et est conçu primitivement pour des opérations militaires. Il a été inventé par Donald Bailey lors de la Deuxième Guerre Mondiale et fut nommé LE pont militaire en 1941.
 Le pont Bailey répond donc à l'adaptation des charges exceptionnelles ainsi qu'au pas cadencé des troupes militaires.

Enfin, voici quelques images de ponts standards du XXème siècle qui furent détruis lors de la Deuxième Guerre Mondiale, plus précisément en Juin 1940 :


Pont de Choisy-le-Roi
Pont suspendu de Villeneuve-le-Roi











Pour conclure, les ingénieurs doivent adapter les ponts selon leurs usages. Que ce soit pour des charges véhiculaires, des charges militaires ou bien pour des troupes de soldats, celui ci doit être construit tout en s'adaptant aux différentes contraintes que peuvent poser ces différents usages, comme le pas cadencé qui aura causé une destruction catastrophique en 1850 du pont de la Basse-Chaîne à Angers.



C- Un exemple : le Viaduc de Millau


Le viaduc de Millau est un ouvrage hors du commun de l'autoroute A75. Il permet la liaison entre la Causse Rouge et la Causse du Larzac (plateaux de roche calcaire du Sud de la France) de la vallée du Tarn sur 2,5 km. Conçu par l'ingénieur Michel Virlogeux et dessiné par Lord Norman Foster, ce pont multi-haubanés (composé de 154 haubans) est considéré comme le plus haut pont du monde avec une hauteur de 343 mètres, c'est à dire 19 mètres de plus que la Tour Eiffel. Pourtant, sa construction n'a duré que 3 années.
C'est le 16 décembre 2004 que ce pont si majestueux a été ouvert à la circulation.
Le viaduc de Millau a donc fêté son 10ème anniversaire l'an dernier.


Sa conception a duré une soixante-dizaine d'années, jusqu'à ce que soit trouvée la meilleure solution. Culminant à une hauteur exceptionnelle de 343 mètres, ce pont est fortement exposé aux contraintes climatiques. Parmi toutes ces contraintes, une seule est en particulier très importante : le vent. Les ingénieurs ont donc dû mesurer les caractéristiques du vent sur le site de sa construction grâce à des techniques spéciales, car l'utilisation des méthodes traditionnelles n'était pas adapter pour un pont de si grande hauteur. Toutes ces mesures ont donc permis d'adapter la construction et l'exploitation du pont à ces contraintes climatiques.


Avant de réaliser ce pont, les embouteillages étaient traditionnels entre Aguessac et La Cavalerie. De plus, l'autoroute A75 évitait toute une région. C'est pour éviter tout ces inconvénients, le viaduc de Millau a été conçu.
Étant le principal ouvrage de cette autoroute, ce viaduc est donc fréquemment exploité par la circulation des automobilistes.
La vie de ce viaduc est avant tout basée sur la sécurité. De multiples capteurs, des bâtiments d'exploitation et une tour de contrôle ont été installé sur les différents constituants et de part et d'autre du pont. Ils permettent la surveillance de la circulation sur ce majestueux viaduc et d'assurer une sécurité par tout les temps du trafic routier.


Toutes ces adaptations emmènent donc ce plus beau ouvrage a une durée de vie de plus de 120 ans.

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